Libération (Paris) -26/4/2006
Après les attentats de Charm el-Cheikh et de Taba, celui de Dahab confirme que Le Caire est devenu la cible privilégiée des islamistes.
«A la première explosion, j'ai pensé qu'une bonbonne de gaz avait explosé. A la deuxième, je n'ai plus eu de doutes. A la troisième, je me suis demandé quand tout cela allait s'arrêter.» A 19 h 15, lundi soir, Maxence Daublain, un coopérant français, était àcinquante mètres du restaurant où le premier attentat a eu lieu. A quelques secondes d'intervalle, trois bombes ont ravagé la corniche de Dahab, faisant 18 morts, dont 6 étrangers, et blessant une soixantaine de personnes dont trois Français, désormais hors de danger.
«Souricière». «C'est un dispositif bien pensé, en souricière», explique un expert : après chaque déflagration, les rescapés ont fui et ont été fauchés par l'explosion suivante. Dans un premier temps, les policiers ont affirmé qu'il s'agissait de bombes actionnées àdistance, mais d'autres sources proches de l'enquête assurent que les attaques, en fait, ont été perpétrées par trois kamikazes. Leurs explosifs étaient vraisemblablement mélangés avec des matières inflammables. Le premier d'entre eux s'est fait exploser sur la corniche àproximité d'une stèle représentant le président Moubarak.
Dahab a longtemps joui d'une réputation sulfureuse, notamment en raison de la circulation de drogues, qui y attirait un tourisme routard. Située àune trentaine de kilomètres de l'Arabie Saoudite, la station balnéaire s'était assagie ces dernières années en vue de concurrencer Charm el-Cheikh. Lundi soir, le front de mer était bondé de touristes venus jouir de la saison de plongée sous-marine, mais aussi de nombreux Egyptiens profitant d'un long week-end férié.
Hier, la presse égyptienne évoquait la possibilité que ces attentats soient liés aux précédentes attaques de Charm el-Cheikh, l'été dernier et de Taba, en octobre 2004. Le mode opératoire est similaire : un triple attentat simultané, perpétré par des kamikazes dans un lieu touristique bondé, àune date symbolique, c'était hier la fête de la libération du Sinaï, les fois précédentes, il s'agissait de commémorations de victoires militaires. Aucune revendication n'a été pour l'instant rendue publique et dix Egyptiens ont été arrêtés.
Thèse. Les précédentes attaques avaient été revendiquées sur l'Internet par un groupe inconnu, nommé Tawhid wal Jihad («unicité et jihad»), se réclamant de Ben Laden. A l'époque, la police avait évoqué la thèse d'un groupuscule local isolé et sans grands moyens, dirigé par un Palestinien résidant dans le Sinaï. Une piste désavouée le mois dernier par le parquet, qui en a attribué la responsabilité à«Unicité et Jihad». La semaine dernière, le ministère de l'Intérieur avait annoncé avoir démantelé un groupe terroriste Al Taifa el-Mansoura («le groupe victorieux»), préparant des opérations contre des cibles touristiques.
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