ةrigée sur un éperon rocheux d’un escarpement de la vallée du Rift dominant une vallée aride, la ville musulmane de Nora, dont les ruines ont été découvertes en 2006 par des chercheurs français, bouscule les idées reçues sur l’histoire chrétienne de l ةthiopie.
۠300 km au nord d’Addis-Abeba et àprès de 10 heures de mauvaise piste, Nora présente les ruines d’un habitat dense, mais aussi des rues encore assez bien dessinées, protégées par un large mur d’enceinte. Plusieurs ouvrages d’agriculture et d’irrigation sont bien conservés, tout comme un cimetière de plusieurs centaines de tombes et une vaste mosquée aux murs hauts de cinq mètres.
Le mihrab, la niche qui, dans toute mosquée, montre la direction de La Mecque, est intacte et, miracle d’un climat sec et aride, le linteau de la porte principale, en bois, a traversé les siècles. Le site, découvert en mars 2006 par une équipe de chercheurs du Centre français des études éthiopiennes (CFEE), remet en cause la vision de l’ةthiopie souvent décrite comme un des plus vieux royaumes chrétiens du monde, touché par de tardives incursions de l’islam.
L’équipe du CFEE a également mis au jour les vestiges de deux autres importantes cités qui pourraient avoir constitué avec Nora le cœur d’un royaume légendaire d’ةthiopie, le royaume musulman de Shoa, que personne ne savait jusqu’ici localiser.
Seulement connu par des textes, il dominait la région entre le Xe et le XVIe siècle, et contrôlait l’importante voie commerciale menant des hauts plateaux chrétiens aux ports musulmans de la mer Rouge. Les trois villes, dont Nora, se trouvent àenviron 1 300 m d’altitude. « Ce sont des villes placées sur une limite écologique, entre zones agricoles et désert. ۠l’époque de leur splendeur, sans doute entre le XIIIe et le XVIe siècle, elles étaient des plaques tournantes commerciales entre les populations nomades du désert et les populations agricoles des hauts plateaux », explique François-Xavier Fauvelle, directeur du CFEE et un des découvreurs de Nora.
Broussailles et épineux ont reconquis la ville, d’où l’on distingue toujours les terrasses cultivées et irriguées àcette époque. Le directeur du département de paléontologie du ministère éthiopien de la Culture, Yonas Beyene, rappelle qu’« on ignorait qu’il y avait des villes musulmanes dans cette région àcette époque, avec des relations économiques et politiques avec les chrétiens des hauts plateaux ».
Nora « montre que l’islam n’est pas un élément nouveau dans la région, mais qu’il y a eu depuis longtemps une interaction symbiotique entre les deux religions. C’est très important », souligne M. Beyene. « Il s’agit d’une découverte surprenante parce qu’on dit généralement que l’islam en ةthiopie est périphérique et tardif. Or, ces villes démontrent une implantation ancienne de l’islam en ةthiopie », insiste-t-il.
Selon la légende, Nora a été fondée après le mariage d’un couple d’amoureux. Pour consolider leur alliance, les deux familles décidèrent de bâtir la ville. « On raconte que la ville était très riche et prospère, avant d’être dépeuplée par une épidémie », dit Mohammad Ali, un des anciens de la tribu Argoba qui occupe le village de Wasiso, le plus proche de Nora. « Cette découverte est un moment important parce que c’est une nouvelle preuve qu’il y a a eu une société musulmane qui a cohabité avec la communauté chrétienne depuis très longtemps », estime le ministre éthiopien de la Culture et du Tourisme, Mohamoud Dirir.
« L’ancien régime (marxiste, renversé en 1991) décrivait l’ةthiopie comme un seul peuple, une seule religion, majoritairement chrétienne orthodoxe, mais les faits montrent que l’ةthiopie est un pays multiculturel et de tolérance religieuse », explique-t-il. |