Nour-eddine saoudi
Le Soleil (Dakar)- 5 Août 2005 - Par ces temps de vacances, le village artisanal s'est assoupi. L'affluence des touristes qui constituent à95 % la clientèle, n'est pas celle des grands jours. A défaut des vagues habituelles, quelques groupes de touristes belges et espagnols et quelques Français permettent aux vendeurs de sauver la situation.
Soumbédioune, 11 heures. Le calme des lieux est rompu par le vrombissement d'un bus blanc, flanqué du logo d'une agence de voyage. Une trentaine de touristes en descendent àpas nonchalants, précédés par leur guide. " Actuellement, c'est la marée des Belges et des Espagnols " explique le jeune Massata Touré, chargé de la visite. Pendant trente minutes, les hôtes parcourent les différents stands, chacun selon son goût et ses préférences. La plupart se rue vers les objets sculptés en bois. Le village artisanal est l'une des destinations préférées des tours operators parce qu' " ici, le marché est organisé. Il n'y a pas d'arnaque et les touristes peuvent faire leurs achats sans aucun problème " se réjouit Vieux Touré.
A l'entrée principale du village artisanal, les bâtiments situés àgauche, abritent la Chambre des métiers de Dakar. Cheveux grisonnants et plongé dans les dossiers qui envahissent son bureau, le secrétaire général derrière ses lunettes, avoue sans embage que " la saison est morose ". Même son de cloche chez le président Malick Mbow qui trouve que " chaque année, la période des vacances est une période morte au cours de laquelle tout est au ralenti pour les artisans ". Et le bijoutier Matar Thiam d'argumenter : " c'est une crise mondiale. Avant, les touristes passaient trois àquatre semaines. Aujourd'hui, ils viennent en croisière pour une semaine. Les vacances coûtant de plus en plus cher, ils font moins d'achats pour les cadeaux et les souvenirs qu'ils emportent ".
M. Boubacar Touré est le chef du centre artisanal aux huit corps de métiers. Ce jeune amateur des objets sculptés en bronze trouve une autre explication : " le temps assez limité des visites touristiques qui ne durent que trente minutes, est l'une des raisons du faible taux d'entrée en devises àSoumbédioune pendant les vacances ". Suffisant pour Thiam d'affirmer : " notre chiffre d'affaires baisse de 60 à70 %. La période faste, c'est la période de Noأ«l jusqu'en avril ". Pourtant, il fut une période où les affaires marchaient même en cette période, selon le vendeur d'or de 18 carats. " Avant, il y avait des Américains toute l'année. Depuis les événements du 11 septembre, ils ne viennent plus ".
" Belgique, petit pays, petit sou ". Cette boutade de Martine Catoul au sculpteur montre bien qu'elle est en terrain connu. Accompagnée de son mari et sa fille, ils ont l'habitude du marchandage. Vêtue d'une culotte kaki et d'un tee-shirt sans manche pour faire face àla chaleur, cette femme au tempérament de feu a acquis l'habitude de cette négociation àl'africaine, grâce aux voyages. " Nous avons été en Amérique du Sud, en Asie, au Vietnam où c'est de la même manière qu'on discute les prix ", affirme la famille Catoul. Intéressés par la sculpture des trois singes (se référant àla maxime ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire), le vendeur Ibrahima Sow est obligé de les leur céder à7 euros (environ 4500 f cfa). Et de s'empresser d'ajouter : " Le prix reste entre nous ". Françoise, la cinquantaine, est plus dure. Elle veut acheter un " car rapide " en miniature. " C'est 1000 Fcfa ou rien. On n'a plus d'argent ", lance-t-elle sèchement au vendeur. Mais tous les touristes n'ont pas la même sensibilité. Véronique Jacquot et sa fille Agathe ont acheté deux couverts en ébène, trois sculptures d'éléphant et deux tableaux, le tout à45 euros, soit un peu moins de 30 000 Fcfa. " On ne sait pas jusqu'àquelle limite aller dans le marchandage. Parfois, j'abandonne même si le prix m'arrange. Je me dis que ce n'est pas juste. Chez moi, cela coûte plus cher " se désole-t-elle.
Damien Sorel, 16 ans, est français. C'est la première fois qu'il vient àDakar. " Je suis venu ici (àSoumbédioune) avec 25 000 Fcfa. J'ai déjàacheté un pantalon teinté à5000 Fcfa. C'est vachement bien car il n'y a pas cela en France. Je compte tout dépenser ". Débordant de sourire, Jacqueline, lunettes de soleil bien vissées, s'exclame : " Je me rends compte qu'on dépense beaucoup plus que ce qu'on avait prévu ". C'est d'ailleurs ce qui est arrivé finalement àla famille Catoul qui a épuisé tous ses billets en Fcfa. Leur dernier achat, Jules, Martine et Julie, leur fille, l'ont effectué en remettant un billet en euro, alors que jusque-làils payaient en Fcfa. A Soumbédioune, les affaires ne marchent peut-être pas. Difficile de convaincre du contraire ces touristes qui ont secoué leur portefeuille pour payer des souvenirs.
M. Pape Massaer Guèye, alias Paco, propose une parade pour mieux vivre cette période de vaches maigres des artisans. Le secrétaire du regroupement des maroquiniers pense que l'Etat devrait les aider àprivilégier le passage des touristes au village artisanal de Soumbédioune. Cela leur permettra d'engranger assez de bénéfices pour faire face àla période basse des vacances. Par ailleurs, l'invitation àdes expositions ou àdes conférences pourrait aider àécouler les produits artisanaux hors de Soumbédioune. Une expérience de ce genre a eu lieu en juin, àl'hôtel Méridien et mérite d'être renforcée.
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