Mayence - Dr. Ala Al-Hamarneh
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Istanbul est la seule ville dans le monde qui était la capitale de deux grands empires: le Byzantin et l'Ottoman. L'idée simpliste indiquant qu'Istanbul est une ville où "l'ouest" rencontre l’"Est" ne prend pas en considération que deux cultures Méditerranéennes avaient leurs centres dans cette ville. Istanbul est la "racine" et le "centre authentique" du multiculturalisme et du métissage. Peu de villes dans le monde peuvent se targuer sincèrement d’avoir des multicouches historiques et culturelles. Jérusalem et Damas peuvent y prétendre, bien qu'elles ne soient pas au même niveau que Constantinople-Istanbul, la ville greco-turque.
L’ancien quartier du Sultan Ahmet est un site ancien de multiculturalisme. Il regroupe l'ةglise-Mosquée-Musée d'Ayasofia, la Mosquée Bleue / Mosquée Sultan Ahmet, l'Hippodrome romain, le Palais ottoman de Topkapi Saray et le gigantesque réservoir d’eau souterrain Byzantin-romain de Yerebatan. Le quartier moderne de Beyoglu – surtout la Place Taksim et la Rue Istiklal – symbolise le cadre cosmopolite et l’ouverture culturelle de la ville.
Le paysage géographique est le théâtre du multiculturalisme et où s’est enraciné le métissage socio-historique. L'espace maritime des Détroits Dardanelles et Bosphore divise les trois parties majeures de la ville tout en les reliant. Fronts de mer et formes de ponts ont marqué l'atmosphère de la ville et sa configuration. La mer relie àIstanbul ; alors qu’ailleurs elle divise. Le Bosphore relie la Méditerranée avec la Mer Noire, et relie en même temps les parties européenne et asiatique de la ville.
Quand on est àIstanbul, on ne peut accepter les théories qui divisent les gens en civilisations différentes et en cultures qui s’affrontent. Istanbul veut dire la continuité de la civilisation humaine commune et les racines communes de ses modifications culturelles et de ses expressions. Où finissent les bains romains, et où commencent les turcs? Ne font-ils pas tous partie du besoin de propreté de l’homme? Où finissent les églises et où commencent les mosquées? Ne sont-elles pas partie intégrante des pratiques de croyance et de prière? Où se termine l'Europe et où commence l'Asie? Ne font-elles pas partie de l'Eurasie géographique et de la culture méditerranéenne? Penser dans l'abstrait àce sujet est une chose, mais le voir "concrètement" àIstanbul en est une autre. Localisée au cœur du " soi-disant Vieux Monde ", une "porte" historique pour soldats, négociants, explorateurs, chercheurs, colonialistes, rêveurs et amants, Istanbul ne ressemble àaucune autre ville au monde, montrant que l’"Orient" et l’"Occident" sont seulement des constructions idéologiques àbuts politiques.
Dans les 20 dernières années, beaucoup a été fait dans la ville quant àla rénovation et la reconstruction de ses monuments historiques et culturels. Une fois encore, c'est le quartier du Sultan Ahmet où eurent lieu les principales activités. Beaucoup de vieilles maisons ont été transformées en petits hôtels, cafés, restaurants et ateliers artisanaux. Les cadres romantiques se sont multipliés, donnant àla région une image et un goût nouveaux.
A une centaine de mètres àl'est du quartier Sultan Ahmet, le vieux marché des pêcheurs de Kumkapi a été transformé en une place piétonne, avec de charmants et confortables restaurants de poisson. Le Grand Bazar dans la partie nord de Sultan Ahmet et le Bazar ةgyptien dans Eminonu sont encore les plus célèbres régions de l'achat traditionnel de la ville. Quant aux bazars "orientaux", ils ont attiré des millions de gens du monde entier, mais surtout des Balkans, du Monde arabe, du Caucase, de Russie, d’Asie Centrale et d’Iran. Le mélange de nationalités et de langues est particulièrement visible dans les douches de la ville qui sont belles et engorgés. Beaucoup de Hamams pour hommes et femmes offrent relaxation et plaisir pur pour des milliers de visiteurs locaux et étrangers quotidiens.
Commerce, navigation et tourisme ont conféré àIstanbul un cadre cosmopolite unique. La diversité de la société turque elle-même quant àses modes de vie et d’habillement fournit une structure multiculturelle riche pour les touristes. Un mélange d'une atmosphère de liberté et de tolérance domine la ville. C'est une expression actuelle des empires divers, des groupes ethniques et des "histoires."
La Turquie présente aujourd'hui une expérience unique dans le monde islamique où l’ordre social et politique laïc imposé par Kamel Ataturk converge avec un gouvernement élu de tendance islamique pragmatique. La libéralisation des sphères politiques et sociales dans le pays a atteint les minorités ethniques. Par exemple, la langue et la culture kurdes sont visibles àIstanbul. Bien sûr, le pays a encore un long chemin pour atteindre la démocratie et le changement àIstanbul ne reflète pas la situation dans le pays entier. Néanmoins, la Turquie a un dossier impressionnant d'amélioration des droits de l'homme et de libéralisation sociale et politique dans lequel le gouvernement de Tayeb Rajeb Erdogan a joué un rôle majeur.
Le modèle turc de coexistence laïco-islamique a acquis une popularité et une considération croissantes tant en Europe qu’au Monde arabe. L'Union européenne projette de commencer des négociations avec la Turquie sur son adhésion, en dépit de la forte résistance de partis et de groupes de pression conservateurs européens. Les conservateurs européens contestent cela, estimant qu'il n'y a aucune place dans l'Union pour un grand pays àorigine culturelle différente, àsavoir une origine musulmane. Le fondement idéologique des cercles conservateurs européens àl’égard de leurs voisins musulmans n'a pas, semble-t-il, changé ou progressé durant les dix derniers siècles. Les autres discussions au sujet de la situation économique et de la démocratie perdent leur crédibilité lorsque la Turquie est comparée avec les ةtats Baltes, ou la Roumanie et la Slovénie. Les conservateurs pessimistes feraient bien de visiter Istanbul le plutôt possible afin de voir et de comprendre les transformations qui ont eu lieu dans ce pays.
En revanche, les Musulmans et les Arabes sont fascinés par Istanbul et souvent la visitent. Le nombre croissant de touristes arabes et iraniens dans les rues et musées est remarquable. Les langues arabe et persane, en plus de l’anglais et du russe, sont de nos jours très courantes dans la ville. Les touristes arabes aiment les sites culturels de la ville, les achats et les divertissements. Les publicités pour les restaurants et les magasins sont souvent écrites en arabe. Les restaurants de première classe, où l'alcool n'est pas servi, se situent àcôté des discothèques et clubs de jazz. Les restaurants traditionnels russes ouverts par les émigrés dans les années 1920, après la révolution bolchevique, sont localisés àcôté de "lokantas" turques. Istanbul s'adresse àtous les goûts et àtoutes les bourses. C'est une métropole très globale. |